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du monde entier ne vaut pas le plaisir qu’un philosophe goûte dans son cabinet, entouré d’amis muets, qui lui disent cependant tout ce qu’il desire d’entendre. Que dieu ne m’ôte point le nécessaire & la santé, c’est tout ce que je lui demande. Avec la santé, mon cœur sans dégoût aimera la vie. Avec le nécessaire, mon esprit content cultivera toujours la sagesse.

Oui, l’étude est un plaisir de tous les âges, de tous les lieux, de toutes les saisons & de tous les momens. À qui Ciceron n’a-t-il pas donné envie d’en faire l’heureuse expérience ? Amusement dans la jeunesse, dont il tempère les passions fougueuses : pour le bien goûter, j’ai quelquefois été forcé de me livrer à l’amour. L’amour ne fait point de peur à un sage : il sait tout allier & tout faire valoir l’un par l’autre. Les nuages qui offusquent son entendement, ne le rendent point paresseux ; ils ne lui indiquent que le remède qui doit les dissiper. Il est vrai que le soleil n’écarte pas plus vite ceux de l’atmosphère.

Dans la vieillesse, âge glacé, où on n’est plus propre, ni à donner, ni à recevoir d’autres plaisirs, quelle plus grande ressource que la lecture & la méditation ! Quel plaisir de voir tous les jours, sous ses yeux & par ses mains, croître & se former un ouvrage qui charmera les siècles à venir, & même ses contemporains ! Je voudrois, me disoit un jour