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sage fuit le grand monde & cherche la solitude. Pourquoi ne se plaît-il qu’avec lui-même, ou avec ses semblables ? C’est que son âme est un miroir fidèle, dans lequel son juste amour-propre trouve son compte à se regarder. Qui est vertueux, n’a rien à craindre de sa propre connoissance, si ce n’est l’agréable danger de s’aimer.

Comme aux yeux d’un homme qui regarderoit la terre du haut des cieux, toute la grandeur des autres hommes s’évanouiroit, les plus superbes palais se changeroient en cabanes, & les plus nombreuses armées ressembleroient à une troupe de fourmis, combattant pour un grain avec la plus ridicule furie ; ainsi paroissent les choses à un sage, tel que vous. Il rit des vaines agitations des hommes, quand leur multitude embarrasse la terre & se pousse pour rien, dont il est juste qu’aucun d’eux ne soit content.

Que Pope débute d’une manière sublime dans son essai sur l’homme ! Que les grands & les rois sont petits devant lui ! Ô vous, moins mon maître, que mon ami, qui aviez reçu de la nature la même force de génie que lui, dont vous avez abusé, ingrat, qui ne méritiez pas d’exceller dans les sciences ; vous m’avez appris à rire, comme ce grand poëte, ou plutôt à gémir des jouets & des bagatelles, qui occupent sérieusement les monarques. C’est à vous que je dois tout mon bonheur. Non, la conquête