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qu’est-ce donc si l’on pense soi-même ? Qu’est-ce que cette génération, cet enfantement d’idées, que produit le goût de la nature & la recherche du vrai ? Comment peindre cet acte de la volonté, ou de la mémoire, par lequel l’âme se reproduit en quelque sorte, en joignant une idée à une autre trace semblable, pour que de leur ressemblance & comme de leur union, il en naisse une troisième : car admirez les productions de la nature. Telle est son uniformité, qu’elles se font presque toutes de la même manière.

Les plaisirs des sens mal réglés, perdent toute leur vivacité & ne sont plus des plaisirs. Ceux de l’esprit leur ressemblent jusqu’à un certain point. Il faut les suspendre pour les aiguiser. Enfin l’étude a ses extases, comme l’amour. S’il m’est permis de le dire, c’est une catalepsie, ou immobilité de l’esprit, si délicieusement enivré de l’objet qui le fixe & l’enchante, qu’il semble détaché par abstraction de son propre corps & de tout ce qui l’environne, pour être tout entier à ce qu’il poursuit. Il ne sent rien, à force de sentir. Tel est le plaisir qu’on goûte, & en cherchant & en trouvant la vérité. Jugez de la puissance de ses charmes par l’extase d’Archimede : vous savez qu’elle lui coûta la vie.

Que les autres hommes se jettent dans la foule, pour ne pas se connoître, ou plutôt se haïr, le