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la prend pour une folle. Elle ne l’est point, à moins qu’il n’y ait de la folie à sentir le plaisir. Elle n’est que pénétrée de mille beautés qui m’échappent.

Voltaire ne peut refuser des pleurs à sa Mérope ; c’est qu’il sent le prix, & de l’ouvrage, & de l’actrice. Vous avez lu ses écrits, & malheureusement pour lui, il n’est point en état de lire les vôtres. Dans les mains, dans la mémoire de qui ne sont-ils pas ? & quel cœur assez dur pour ne point en être attendri ! Comment tous ses goûts ne se communiqueroient-ils pas ? Il en parle avec transport.

Qu’un grand peintre, je l’ai vu avec plaisir en lisant ces jours passés la préface de Richardson, parle de la peinture, quels éloges ne lui donne-t-il pas ? Il adore son art, il le met au-dessus de tout, il doute presque qu’on puisse être heureux sans être peintre, tant il est enchanté de sa profession.

Qui n’a pas senti les mêmes transports que Scaliger, ou le père Mallebranche, en lisant, ou quelques belles tirades des poëtes tragiques, Grecs, Anglois, François, ou certains ouvrages philosophiques ? Jamais madame Dacier n’eût compté sur ce que son mari lui promettoit, & elle trouva cent fois plus. Si l’on éprouve une sorte d’enthousiasme à traduire & développer les pensées d’autrui,