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dont ſon induſtrie a inventé les langues, & ſa ſageſſe les loix & les mœurs.

Il me reſte à prévenir une objection qu’on pourroit me faire. Si votre principe, me dira-t-on, étoit généralement vrai, ſi les beſoins des corps étoient la meſure de leur eſprit, pourquoi juſqu’à un certain âge, où l’homme a plus de beſoins que jamais, parce qu’il croît d’autant plus, qu’il eſt plus près de ſon origine, pourquoi a-t-il alors ſi peu d’inſtinct, que ſans mille ſoins continuels, il périroit infailliblement, tandis que les animaux à peine éclos, montrent tant de ſagacité, eux qui, dans l’hypotheſe, & même dans la variété, ont ſi peu de beſoins.

On fera peu de cas de cet argument, ſi l’on conſidere que les animaux venant au monde ont déjà paſſé dans la matrice un long temps de leur courte vie, & de là vient qu’ils ſont ſi formés, qu’un agneau d’un jour, par exemple, court dans les prairies, & broute l’herbe, comme pere & mere.

L’état de l’homme fœtus eſt proportionnellement moins long ; il ne paſſe dans la matrice qu’un vingt-cinquieme poſſible de ſa longue vie ; or n’étant pas aſſez formé, il ne peut penſer, il faut que les organes aient eu le temps de ſe durcir, d’acquérir cette force qui doit produire la lumiere de l’inſtinct,