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arroſoit. Impitoyablement flétrie, reconnoiſſez vous cette beauté, à qui votre cœur amoureux dreſſait autrefois des autels ? Triſte, à l’aſpect d’un ſang glacé dans ſes veines, comme les poëtes peignent les Naïades dans le cours arrêté de leurs eaux, combien d’autres raiſons de gémir, pour qui la beauté eſt le plus grand préſent des dieux ! La bouche eſt dépouillée de ſon plus bel ornement ; une tête chauve ſuccede à ces cheveux blonds naturellement bouclés, qui flottoient, en se jouant, ſur une belle gorge qui n’eſt plus. Changée en eſpece de tombeau, les plus ſéduiſans appas du ſexe ſemblent s’y être écroulés, & comme enſevelis. Cette peau ſi douce, ſi unie, ſi blanche, n’eſt plus qu’une foule d’écailles, de plis & de replis hideuſement tortueux : la ſtupide imbécillité habite ces rides jaunes & raboteuses, où l’on croit la ſageſſe. Le cerveau affaiſſé, tombant chaque jour ſur lui-même, laiſſe à peine paſſer un rayon d’intelligence ; enfin l’ame abrutie s’éveille, comme elle s’endort, ſans idées. Telle eſt la derniere enfance de l’homme. Peut-elle mieux reſſembler à la premiere, & venir d’une cauſe plus différente.

LXXXV.

Comment cet âge ſi vanté l’emporteroit-il sur celui d’Hebé ? Seroit-ce sous le ſpécieux prétexte