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bourg, M. la Mettrie fut attaqué d’une fievre chaude : une maladie est pour un philosophe une école de physique ; il crut s’appercevoir que la faculté de penser n’étoit qu’une suite de l’organisation de la machine, & que le dérangement des ressorts influoit considérablement sur cette partie de nous-mêmes, que les métaphysiciens appellent l’ame. Rempli de ces idées pendant sa convalescence, il porta hardiment le flambeau de l’expérience dans les ténèbres de la métaphysique ; il tenta d’expliquer, à l’aide de l’anatomie, la texture déliée de l’entendement, & il ne trouva que de la mécanique où d’autres avoient supposé une essence supérieure à la matiere. Il fit imprimer ses conjectures philosophiques sous le titre d’Histoire naturelle de l’ame. L’aumonier du régiment sonna le tocsin contre lui, & d’abord tous les dévots crierent.

Le vulgaire des ecclésiastiques est comme Dom Quichotte, qui trouvoit des aventures merveilleuses dans des évenemens ordinaires ; ou comme ce fameux militaire, qui trop rempli de son systême, trouvoit des colonnes dans tous les livres qu’il lisoit. La plupart des prêtres examinent tous les ouvrages de littérature comme si c’étoient des traités de théologie ; remplis de ce seul objet, ils voient des hérésies par-tout : de-là viennent tant de faux jugemens & tant d’accusations formées, pour la plupart, mal-à-propos contre les auteurs. Un livre de physique doit être lu avec l’esprit d’un physicien ; la nature, la vérité est son juge ; c’est elle qui doit l’absoudre ou le condamner : un livre d’astronomie veut être lu dans un même sens. Si un pauvre médecin prouve qu’un coup de bâton fortement appliqué sur le crâne