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entendu les observations d’un esprit aussi sérieux que l’est M. Garnier, mon fondé de pouvoirs, et celles que vous avez dû lui adresser vous-même ; quand un homme aussi haut placé se détermine à écrire et à livrer à la publicité de pareilles dérisions, nul ne peut supposer qu’il agit légèrement.

» C’est donc très-formellement que M. le commandant général me mande à Arispe avec le parti pris d’avance d’exiger que je renonce à ma nationalité ou que je quitte la Sonore.

» Mais pour qui donc, pour quelle espèce de gens sans cœur, sans souvenirs, sans aucun sentiment de la patrie, M. le général Blanco prend-il mes compagnons ! pour qui donc les prenez-vous vous-même, quand vous me transmettez de telles propositions ? Lorsque vous excitez M. Lenoir à me faire enlever le commandement, le croyez-vous donc disposé plus que moi au sacrifice de sa nationalité ? Ne comprenez-vous pas que si j’étais assez faible pour abdiquer la mienne sous le coup d’une menace, pas un homme ne me suivrait dans cette voie honteuse ?

» Comment peut-il entrer dans l’esprit d’un homme raisonnable que mon entrevue avec le général Blanco puisse résoudre une question aussi insoluble ?

» Sachez bien encore ceci, colonel, et que tous le sachent comme vous : ni la force, ni l’intimidation, ni l’intérêt ne me feront oublier ce que je me dois à moi-même. Ma fortune et ma vie ne sont rien pour moi, absolument rien, là où mon honneur est en question.

» Or, M. le commandant général de Sonore a mis en question mon honneur.

» Eût-il cent fois plus de forces qu’il n’en possède, ces forces fussent-elles cent fois plus redoutables qu’elles ne le sont, il ne me ferait pas reculer d’un pas, là où je ne puis reculer sans abdiquer lâchement mon droit et sans m’avilir !

» Raousset-Boulbon. »

C’était la déclaration de guerre.