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au gai et au tendre. Cette sobriété fut soigneusement entretenue pendant trois jours.

» Les autorités s’étaient déchargées sur moi du soin de maintenir l’ordre. Des patrouilles régulières parcouraient la ville nuit et jour et ramassaient les ivrognes tapageurs. Notez que la patrouille était toujours aussi imbibée que le commun des martyrs, mais j’avais si bien exalté chez ces gens-là le sentiment du devoir, que même dans l’ivresse ils en demeuraient pénétrés.

» Que de charmants épisodes il y aurait à raconter sur ce séjour à Guaymas ! Je vous laisse à penser si mes Gaulois firent des caprices parmi les Mexicaines ! J’en connais un, un beau sacripant, ex-sous-officier de lanciers, qui, avec quelques amis, a bu jusqu’au dernier flacon d’un magasin de liqueurs dont la maîtresse lui avait trop prouvé qu’elle le trouvait à son goût. D’Artagnan s’était contenté de quelques poulardes chez la belle Madeleine !… J’ai retrouvé là, à Guaymas, la race, partout perdue, des taverniers complaisants. Un de ces braves, avait une femme qui lui fit partager son enthousiasme pour les Français, au point d’ouvrir un crédit à toute la compagnie. Tous n’en profitèrent pas, mais en vingt-quatre heures notre homme vendit pour 1,300 fr. de petits verres. Si l’on ne consomma pas davantage, c’est qu’il eût la malencontreuse idée de présenter sa note. — Les consommateurs lui donnèrent leur signature. . . . . . . . . . . . . . . . . . . « Il y a de tout dans ces quelques jours. Des fenêtres escaladées, des maris infortunés, des duels, des processions, des bals, des représentations théâtrales, et surtout énormément de pots cassés ; il y eut de mes porte-guenilles qui, dans une journée, gaspillèrent très-galamment un billet de mille francs.

. . . . . . . . . . . » N’oubliez pas que cependant l’autorité demeurait vivante et absolue au milieu de ce gâchis. Un de ces hommes, étant ivre sans doute, refusa de payer après avoir bu. Ses camarades eux-mêmes sont venus m’apprendre qu’il avait dit : — Bah ! nous sommes les maîtres dans ce pays, nous, nous ne payons pas ! C’était une occasion de faire un exemple ; je la saisis. Le lendemain