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Le rajeunissement était certain par la fusion auglo-saxone, apportant un sang jeune et chaud dans ces veines apauvries, mais une résistance puissante, quoique passive, s’y opposait. D’un bout du Mexique à l’autre, la haine du yankee était profonde et vivace. Malgré l’exemple récent du Texas, malgré sa prospérité soudaine et éloquente, la race espagnole, au milieu de son abaissement, trouvait un reste d’énergie contre l’invasion du Nord. Partout M. de Raousset l’avait constaté, et ses idées s’en étaient affermies.

D’autre part, l’émigration française en Californie, disséminée sans lien, sans action, végétait méprisée des Américains, respectée seulement dans quelques individualités. Groupée, centralisée, elle pouvait devenir redoutable et féconde. Quelques essais avaient été tentés déjà : une compagnie de 450 hommes, sous les ordres de M. de Pindray, avait pénétré en Sonore. Mais c’étaient des tentatives tout individuelles, sans plan d’ensemble, et dont le désastre ne prouvait rien[1]. Former un noyau vigoureux, prendre possession d’un point important du pays, y attirer petit à petit l’émigration laborieuse et élever contre l’invasion des États-Unis une vaillante barrière française, telle fut l’idée de M. de Raousset, idée à laquelle il a tout donné, jusqu’à son sang.

M. Dillon, consul de France à San Francisco, entra dans ses vues et se prêta avec une obligeance parfaite à

  1. La mort de M. de Pindray est restée un mystère. D’après les uns, il se serait fait sauter la cervelle ; d’après des versions plus récentes, on la lui aurait brûlée.