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VIII

De retour à San Francisco, dégagé de toute association, dégoûté pour longtemps des spéculations commerciales, Gaston se donna tout entier à la grande idée qui, après avoir longtemps confusément bouillonné dans sa tête, venait de prendre enfin une forme ; précise.

Malgré les immenses ressources d’un sol sans égal, le Mexique se dissolvait, frappé d’épuisement dans sa race, dans son administration, dans son armée, et devenait chaque jour une proie plus facile et plus tentante. Depuis la guerre dite de l’Indépendance, son gouvernement appartenait à toutes les dictatures de hasard que les révolutions font surgir chez les races qui finissent : il n’existait qu’à l’état d’occupation militaire et violente. Aucune probité, aucune pudeur, aucune idée politique. Le plus fort renversait le plus faible et pillait les caisses publiques quand le vaincu n’avait pas eu le temps de les emporter avec lui. Il n’était pas rare le lendemain même du vote d’une constitution, de voir un commandant de province se prononcer, marcher sur la capitale, s’en emparer et donner au pays une constitution nouvelle qui durait ce qu’elle pouvait. Les partis triomphaient tour à tour, mais la politique restait la même, inepte et stérile. Sans être prophète, on pouvais prédire, à coup sûr, le jour où ce puissant empire, déjà cruellement disloqué par ses voisins redoutables, disparaîtrait, province à province, dans l’Union américaine.