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À San Diégo, contrairement à tous les rapports, les vaches se trouvèrent plus chères qu’à Los Angeles ; il fallut revenir sur ses pas.

Enfin, après bien du temps perdu en va-et-vient inutiles, un troupeau de vaches et de veaux fut acheté, et l’on reprit la route de San Francisco par les plaines, entre la mer et la Sierra névada.

Ce voyage de retour dura près de trois mois et fut des plus pittoresques. Les vaches vendues comme vaches domestiques étaient plus qu’à demi-sauvages, et la conduite du troupeau se compliquait de mille difficultés. On campait chaque soir autour de grands feux, et chacun des associés avait à faire, à tour de rôle, une faction de deux heures, en vue des attaques possibles des Indiens brancos et des grands ours de la Sierra.

Les incidents ne manquaient pas ; tantôt le troupeau, pris d’estampide, s’enfuyait en désordre, et c’étaient des heures de courses en tous sens pour rassembler les bêtes effarouchées ; tantôt une bande de coyotes, effrontés voleurs, venait jusqu’au milieu des feux, ronger les lazzo en cuir qui entravaient les chevaux. Une autre fois l’alerte était donnée par une bête fauve, poussant, au milieu du silence, un rugissement redouté.

On traversait un pays splendide, d’une végétation luxuriante, peuplé de puéblos clairsemés. À perte de vue, des avoines sauvages, hautes de cinq et six pieds, ondulaient comme une mer aux moindres bouffées du vent des côtes : des ranchos s’échelonnaient le long des fraîches rivières qu’on traversait à gué ; de loin en loin, apparaissaient des bouquets d’arbres vingt fois séculaires, chênes immenses, peupliers gigantesques que jamais l’homme