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manœuvres, puis, la journée finie, l’habit noir remplaçait la vareuse, les gants blancs couvraient les mains meurtries, et les deux gentilshommes se promenaient en dandies par la ville ou allaient prendre le thé au consulat de France.

La prodigieuse activité des Américains devait bientôt ruiner l’industrie des deux amis. En moins de trois mois, un Warff, travail gigantesque, fut établi jusqu’au milieu de la rade. La décharge des navires se fit directement sur le Warff, et il fallut vendre à vil prix le matériel d’une exploitation désormais impossible.

Cette vente, disons-le bien vite, se fit sans trop de regrets. Le spectacle qu’il avait sous les yeux, les rapports des mineurs, les légendes locales, tout avait concouru à reporter les idées de M. de Raousset sur la possibilité d’une vaste entreprise. Avant d’y songer sérieusement, il fallait sonder le pays, le connaître de visu : n’étant pas assez riche pour faire ce voyage en amateur, M. de Raousset en fit le prétexte d’une spéculation.

À cette époque, sur la place de San Francisco, une vache et son veau se vendaient quatre-vingts piastres ; à San Diégo et à Los Angeles, à quelque deux cents lieues, dans le sud, la même vache coûtait de quinze à vingt piastres seulement. L’affaire était belle à tenter en grand. Les deux amis prirent un troisième associé, nommé Hernando Cortez, et s’embarquèrent sur le Pacifique. Quinze jours après, ils débarquaient à San Pédro, à quelques lieues de Los Angeles.

Arrivés en cette dernière ville, ils achetèrent des chariots, des mules de bat, et franchirent à cheval les cinquante lieues de pays qui les séparaient de San Diégo.