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désertait déjà un pays ou se trouvaient des tireurs aussi acharnés et aussi habiles que MM. de Pindray, Garnier, Gaston de Raousset et quelques autres. Cette ressource ne pouvait être que momentanée.

Le comte se rappela les filets achetés en route et se fit pêcheur. Il partait à deux heures du matin sur la baleinière et revenait le soir, de l’air dont Dioclétien devait vendre ses laitues, offrir sa pêche aux raffinés du port. La pêche rapportait à peu près de quoi vivre, mais une rencontre terrible qu’il fit par une nuit de brouillard, avec le Sénator (le plus grand des steamers américains), et dans laquelle il ne dut son salut qu’au hasard, le dégoûta de ce métier où le péril n’avait pas de compensations assez grandes.

M. de Raousset n’était pas venu en Californie, on le pense bien, pour gagner seulement son pain : il comprit bien vite qu’il fallait sortir de la fantaisie s’il voulait arriver à un résultat. Le mouvement du port était incroyable ; en travaillant résolument de ses bras, il y avait de l’or à gagner. Le comte endossa bravement la chemise rouge du leiter-man, acheta un chaland, prit avec lui deux matelots et se mit à décharger les colis des navires qui arrivaient en rade.

Après quelque temps de ce rude métier, il s’associa à un Français, M. de la M…, dont l’apport numéraire permit d’acheter trois chalands nouveaux. Les affaires de l’association prospérèrent pendant un certain temps. En une semaine on eut jusqu’à 500 piastres de bénéfice net, et cependant le dernier matelot coûtait 5 et 6 piastres par jour. M. de Raousset et M. de la M… étaient à l’ouvrage dès l’aube ; ils travaillaient tout le jour comme des