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position pour aller se fixer dans un pays où la liberté individuelle même n’est pas garantie ? »

Un peu plus loin, il s’écrie avec une ironie saisissante et une autorité réelle :

« Un coup de canon tiré sur l’Océan peut mettre en péril nos possessions d’Afrique ; une bataille perdue peut nous chasser de cette Algérie si chèrement conquise.

» Dans cette catastrophe, l’armée perd un beau champ de manœuvres, mais elle conserve ses grades, ses décorations, sa solde, ses chances d’avancement. Rien pour elle n’est changé.

» L’administration revient en France : elle y retrouve ses places, ses appointements et… d’autres administrés.

» Quant à nous, qui devons laisser en Algérie nos fermes, nos terres et nos maisons ; nous qui, en définitive, représentons le seul résultat, le seul travail d’avenir qui se soit produit jusqu’à ce jour, nous reviendrions demander l’aumône à notre pays ! »

Chose singulière, en écrivant cette brochure, Gaston de Raousset n’obéissait qu’à un mouvement tout personnel, La brochure passa pour une œuvre de parti. Les livres ont leurs destinées comme les hommes ; le maréchal Bugeaud fit au jeune colon l’honneur de le considérer comme le chef de l’opposition civile, et, de ce jour, naquit une estime toute particulière dont le maréchal se plut à multiplier les preuves.

La nomination du duc d’Aumale au gouvernement général de l’Algérie vint donner à Gaston de Raousset les plus grandes et les plus légitimes espérances. La retraite du maréchal était une véritable victoire ; avec lui s’en allait le régime du sabre, du bon plaisir et des colonies militaires ; l’Afrique respira.