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taisies les plus ruineuses ou de ses spéculations les plus téméraires, le désir de faire quelque chose de grand l’étreignait malgré tout. Il devait avoir bientôt assez du triste bagage des joies modernes, et sa jeunesse ne devait pas rester longtemps encore, stérilement orageuse, dans les loisirs et les élégances de Paris.

Aux ardeurs de cette vie nouvelle, les principes si patiemment inculqués par les révérends Pères se fondirent les uns après les autres. Gaston était sorti de Fribourg royaliste et catholique ; après deux ans de vie parisienne, le royaliste ne croyait plus au roi et le catholique riait de Rome. Toutes les fictions vénérables dans lesquelles il avait été élevé défilèrent devant lui, interrogées par sa raison audacieuse. Il chercha la vie parmi toutes ces choses mortes, et il ne trouva pas d’écho pour ses cris.

Il avait rêvé un roi-chevalier, du sang d’Henri IV, débarquant un beau jour sur un point quelconque du pays, plantant son drapeau et ralliant autour de lui les débris de la noblesse de France. Ce roi guerroyait vaillamment pour reconquérir sa couronne ; et Gaston se voyait à ses côtés comme Bayard à côté de François Ier ou Crillon, son compatriote, à côté du Béarnais : et c’étaient des défis, des chevauchées, des assauts, des batailles, puis, l’entrée triomphale à Paris, les sourires des duchesses, l’action politique sur les destinées de son temps, enfin la retraite honorée de sa glorieuse vieillesse, dans Boulbon rebâti à neuf, sur l’ancien plan, pierres pour pierres.

Il ne lui fallut pas longtemps, hélas, pour savoir ce que valaient ses rêves. Le Roi proclamait bien haut son horreur de la guerre civile, s’entourait de conseillers séniles, et préférait évidemment les quiétudes de Froshdorff