Page:La Madelène - Le comte Gaston de Raousset-Boulbon, sa vie et ses aventures, 1859.djvu/173

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Il croisa les mains sur sa poitrine, fit un pas en avant et attendit.

Il se passa alors un fait singulier : l’officier commença le commandement au peloton, et le commandement ne fut exécuté que partiellement et sans ordre. Il était évident qu’officier et soldats étaient émus et hésitaient. Le commandement fut suspendu.

Un officier courut prévenir le gouverneur de ce qui se passait. Il revint au bout d’un instant avec l’ordre d’en finir au plus vite. Le commandement fut repris : plusieurs coups retentirent, M. de Raousset tomba la face contre terre. La justice mexicaine était satisfaite.

À ce moment la foule ne put plus se contenir : des cris et des sanglots s’élevèrent de toute part ; les femmes se sauvaient le mouchoir sur les yeux, et répandant d’abondantes larmes ; les Sonoriens, peu habitués à tant de courage en face de la mort, se laissèrent aller à de douloureuses émotions qui devinrent comme sympathiques : les plus indifférents comprirent tout d’un coup la perte que faisaient la liberté et l’indépendance de la Sonore ; pour ceux qui l’avaient aimé, le supplicié était déjà un martyr.

Le comte était mort sur le coup. Une balle avait traversé la face et le crâne, deux autres avaient pénétré dans la région du cœur, une quatrième ayant frappé sur la ligne médiane de la poitrine, avait brisé en morceaux la petite médaille en argent qu’il portait, et en avait refoulé une partie dans la plaie. Le feu s’étant mis à ses vêtements, on versa sur lui deux seaux d’eau. Le colonel Campuzano plongea le doigt dans la plaie de la poitrine et retira les fragments de la médaille. Le corps fut relevé,