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« Je vous comprends, colonel, une minute s’il vous plaît. »

Il passa une dernière fois la main dans ses cheveux, releva sa moustache et d’une voix ferme : « Messieurs, dit-il, je suis à vos ordres. »

L’escorte se mit en marche. Il était si heures moins quelques minutes.

La ville de Guaymas regorgeait de gens venus de tous les points de la province. Sur la place du Gouvernement, l’armée était rangée en bataille ; les officiers de tous grades, en grand uniforme, entouraient le général gouverneur, caracolant sur un cheval de parade. Entre le fort et la baie, un bataillon de ligne protégeait l’emplacement destiné à l’exécution. Les terrasses des maisons étaient couvertes de monde, et sur la pente du fort s’échelonnait une population innombrable.

À six heures précises, le comte parut. Il marchait d’un pas ferme, tête nue, s’éventant négligemment de son chapeau de paille et causant avec Don Vincent. Le colonel Campuzano et quelques officiers formaient l’escorte.

Arrivé sur le bord de la baie et lui tournant le dos, face à face avec un peloton de six soldats mexicains, rangés à sept ou huit pas devant lui, M. de Raousset promena sur la foule frémissante un regard lent et assuré, un cri déchirant partit d’une des terrasses : il tressaillit, leva les yeux avec angoisse et pâlit légèrement : on emportait une femme évanouie.

Un officier lut à voix haute la sentence : M. de Raousset embrassa don Vincent, posa son chapeau à terre et s’adressant aux soldats mexicains : « Allons, mes braves ! dit-il, faites votre devoir ! tirez juste ! au cœur !… »