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15 juillet, malgré le doute où j’étais sur l’issue du combat. Le bataillon avait des officiers et un commandant dont j’ai dû respecter la susceptibilité et l’incapacité, jusqu’à lui laisser le commandement pendant le combat. Le malheureux n’a pas compris le premier mot des instructions que je lui avait données. Dès les premiers coups de feu, le bataillon est tombé dans un affreux désordre. On ne rallie pas sous le feu des gens qui ne sont pas soldats ; on ne les ramène pas non plus en arrière sans les démoraliser. . . . . . . . . . . . . . . . .

» . . . . . . . Pannetrat pourra vous donner de vive voix les détails de cette affaire ; je crois, mon ami, avoir fait mon devoir envers tout le monde.

» Le général Yanès, qui commandait les Mexicains, est un brave : ses soldats ont tenu ferme, car malgré leur mollesse, les Français ont eu hors de combat le tiers de leur effectif. J’ai de grandes obligations au général pour la courtoisie dont il use dans la rédaction de ma sentence et de son exécution. Je prie que l’on joigne à cette lettre une copie de la sentence. Vous y verrez que je suis condamné comme conspirateur et révolté, mais qu’on ne m’y qualifie ni de traître, ni de flibustier, ni de pirate. Vous pouvez, cette sentence à la main, faire rectifier tout ce qu’il y aurait d’erroné dans les publications américaines.

» En cela comme en toute autre chose, vous êtes naturellement de ceux à qui je lègue le soin de ma mémoire. . . . . . . .

» Pannetrat devant aller à Paris, je désire qu’il se charge de mes papiers pour les remettre à ma famille, à Avignon, ou à mon frère, au haras de Braisne, près Laon. Je vous prie de vouloir bien, avec M. Gouffier, faire de ces papiers un paquet ficelé et cacheté que vous confierez à M. Pannetrat au moment de son départ, ou à toute autre personne parfaitement sûre, dans le cas où M. Pannetrat ne partirait pas.

» Je meurs parfaitement calme, sans regrets.

» J’ai conservé la médaille que votre femme m’avait donnée ; elle sera reprise sur mon cadavre et envoyée à une fille de mon frère qui la portera toute sa vie.