Page:La Madelène - Le comte Gaston de Raousset-Boulbon, sa vie et ses aventures, 1859.djvu/167

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

mourir ; c’est le plus grand regret que j’emporte, car pour ce qui est de la vie, je meurs dans un état de calme trop parfait pour la regretter, les sentiments de mon enfance me reviennent presque avec leur première fraîcheur. Vous pouvez prier pour moi, avec la certitude qu’étant mort religieusement, je puis profiter de vos prières.… Adieu, ma bonne mère, adieu et au revoir… J’oubliais, ingrat, de vous entretenir de notre bon cousin N***. Mme *** m’a aimé comme une mère ; dites-lui que je vais à la mort en gentilhomme, et que je meurs en chrétien. Adieu, ma mère, adieu encore pour la dernière fois.

» Gaston. »


« Guaymas, le 10 août 1854.
» Monsieur de Lachapelle,

» Vous avez été l’un de mes meilleurs et de mes plus fidèles amis ; vous m’avez, je crois, bien connu et apprécié ; vous avez compris ce qu’il y avait en moi de dévouement pour les intérêts et les affections des hommes qui m’entouraient ; vous savez combien peu me préoccupait ma propre personnalité. Vous êtes donc, parmi mes amis, l’un de ceux à qui je dois léguer le soin de ma mémoire ; je le fais avec confiance.

» À la suite d’événements dont je ne puis vous faire le récit, j’ai été fait prisonnier, traduit en conseil de guerre et condamné à mort, hier, 9 août. Ma sentence doit être exécutée demain ou après-demain. Je dois à la courtoisie du général Yanez de mourir convenablement, fusillé, debout, les yeux et les mains libres.

» Je ne veux accuser personne de ma mort et je pardonne à ceux qui l’ont causée ; je suis même jusqu’à un certain point satisfait des marques d’ingratitude qui m’ont été données. Tout homme emporte au delà de la tombe la responsabilité de sa vie ; l’ingratitude et le supplice me seront sans doute comptés comme une expiation du mal que j’ai pu faire.