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à cet excellent prêtre, je vois qu’elles vont être douces. Mon cœur se rouvre aux idées religieuses de la jeunesse, et je vais à la mort comme à une fête. Si le père Deschamps est toujours à Avignon, écris-lui de ma part ; je suis sûr que tu le combleras de joie. Si tes enfants tombaient quelque jour dans les idées ridiculement irréligieuses que j’ai eues quelquefois moi-même, fais leur lire cette lettre, et dis-leur que l’onde Gaston qui, plein de vie, de force et de raison, est mort entre les mains d’un prêtre, était cependant un homme intrépide. Certes, ce n’est pas la peur qui me fait agir ainsi, je ne vois pas en Dieu un être terrible, je le vois infiniment bon et miséricordieux, et si je vais à lui, c’est que j’y suis poussé par le sentiment et par le besoin d’aimer. — Allons, frère, il faut nous dire adieu et pour la dernière fois. Reçois M. Calvo comme un ami, c’est ton frère mourant qui te le demande.

» Gaston. »


« Guaymas, le 10 août 1854.
» Ma chère mère,

» Vous aurez eu connaissance de ma lettre à Victor, quand celle-ci vous sera remise par M. Calvo, agent consulaire à Guaymas. M. Calvo m’a donné récemment des marques d’intérêt qui doivent vous le faire considérer comme un ami. Recevez-le comme tel, et qu’il soit accueilli dans ma famille comme je l’ai été dans la sienne. Si M. Calvo avait pu quelque chose pour me sauver, je ne doute pas qu’il ne l’eût fait. Le général Yanez, lui-même n’a pas dû désirer ma mort, mais il est forcé d’obéir aux rancunes que j’ai soulevées chez certains hommes de ce pays, malgré le désir ardent que j’avais d’être utile au pays même. Le général agit noblement du reste ; la sentence qui me condamne ne porte aucune qualification injurieuse. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Ma chère mère, il m’en coûte de ne pouvoir vous embrasser avant de