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« — Marcher ! marcher ! s’écria-t-on de toutes parts.

» — Songez-y ! reprit M. de Raousset, vous êtes peu nombreux,… vous êtes isolés sur cette terre lointaine ; en tirant l’épée, vous vous mettez hors la loi de ce pays !… Il n’y a pour vous ni grâce ni pardon à attendre ; il faut que vous soyez vainqueurs, entendez-vous ? car les vaincus n’auront pas même droit à des juges ! Que voulez-vous faire en cas de défaite ?

» — Mourir ! mourir ! crièrent toutes les voix.

» — Eh bien donc ! en avant, mes amis, et vive la France ! »

Une clameur immense s’éleva. Au milieu des cris, une voix plus forte demanda que M. de Raousset prît le commandement en chef. Les acclamations redoublèrent.

— Non, mes amis, non ! répondit M. de Raousset, vous avez vos officiers, vous les connaissez, gardez-les ! ce n’est pas le moment d’apporter du trouble dans votre organisation ! Unité de commandement, soumission aveugle aux ordres du commandant ! Je ne veux être parmi vous qu’un volontaire ! Je n’ambitionne d’autre droit que celui d’être le premier en avant, au plus fort du danger ; qui me suivra sera sûr d’aller loin !

» — Vive la France ! en avant ! »

Ce fut au milieu de ces cris que l’ordre de marche fut donné… Il était trois heures.

Le bataillon sortit de la caserne, divisé en quatre compagnies fortes de chacune soixante-quinze hommes environ. Le premier élan fut superbe… Les paroles de M. de Raousset avaient électrisé tout le monde. Grâce aux inquiétudes et aux appréhensions de la journée, la moitié des hommes n’avait pu prendre aucune nourriture ; ils