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Le 13 au matin, on apprit que les troupes de l’intérieur étaient arrivées, ainsi qu’un corps nombreux d’Indiens armés. Les dernières munitions que le fort contenait furent transportées en plein jour au quartier général mexicain. Il devint évident que le gouverneur se préparait à une attaque. L’attendre de pied ferme, c’était sauver la légalité, mais c’était aussi compromettre le sort de la compagnie. Encore un jour, et on allait avoir affaire à 3,000 hommes. L’irritation des Français ne connut plus de bornes. Ils se portèrent en masse à la maison de M. Pannetrat et demandèrent à grands cris que M. de Raousset se mît à leur tête.

    « À la vue de ces préparatifs, dont nous ne comprenions ni le but ni la portée, nous nous sommes bornés à prendre quelques mesures de précaution pour nous mettre à l’abri d’un coup de main qui aurait pu être tenté pendant la nuit.

    Ce matin, 12 du courant, les Français, convaincus d’une solution pacifique, se répandaient comme de coutume, et sans armes, dans la ville ; des misérables, soldés sans doute, se portèrent à des voies de fait directes contre nos nationaux désarmés, en blessèrent trois ; il fallut toute l’autorité des chefs pour sauvegarder la vie des agresseurs, qui furent depuis réclamés par la justice du pays.

    « Pendant ce temps-là, Son Excellence le gouverneur général se transportait successivement aux deux quartiers français, pour visiter d’un côté les blessés, de l’autre les prisonniers.

    « Si nos intentions avaient été celles que l’on nous a si calomnieusement prêtées, il nous eût été facile de nous donner des garanties en retenant parmi nous le gouverneur et l’état-major qui l’accompagnait. Nous avons eu jusqu’au bout confiance dans la légalité de notre cause et dans les promesses verbales dont on nous berçait depuis si longtemps, nous avons laissé partir librement le gouverneur. Quelques minutes après, les individus dont nous avons signalé plus haut la malveillance faisaient traîtreusement feu sur des Français paisibles passant dans les rues.