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» Je vous expose mon idée dans des conséquences politiques ; les banquiers ont beau dire, c’est là une idée grande, une idée féconde, j’y voue ma vie ; j’y donnerai tout mon sang s’il faut ! . . . .  »

On était en mai : le temps s’écoulait et la situation allait empirant. M. de Raousset craignit qu’un ajournement plus long ne lui fût imputé à crime par les Français déjà arrivés à Guaymas ; malgré l’exiguïté de ses ressources, le départ fut résolu.

La lettre suivante l’annonce à M. de L***. Elle est empreinte de son énergie accoutumée, mais le désenchantement s’y montre à chaque ligne. M. de Raousset va à sa destinée sans illusions.

San Francisco, 13 mai 1854.

« . . . . . . . . . . . . Votre silence me fait supposer que nous n’avons rien obtenu. Je m’y attendais ; il ne me reste plus qu’à agir.

« Il est parti le 2 avril par le Challenge près de quatre cents hommes. Ils ont dû arriver à Guaymas depuis quinze jours. La plupart de ces hommes ne sont partis que dans la conviction de ma venue presque immédiate. Je suis surveillé de très-près par la police américaine ; les capitalistes, effrayés de cette hostilité, ne veulent pas hasarder un centime ; je suis seul, et seul il faut que j’agisse.

» Je viens d’acheter un petit boot de dix tonneaux et je m’y embarquerai moi huitième avant la fin de la semaine. Si je trompe la surveillance qu’on exerce ici sur tous mes mouvements, si j’échappe aux croiseurs américains et mexicains ; si j’arrive sur la côte du Mexique après avoir parcouru les six à huit cents lieues qui me séparent de Guaymas ; si je puis entrer en communication avec la terre, je verrai si mes hommes sont encore dans la ville ; s’ils y sont, je débarque immédiatement.