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Un mois après, complétement désabusé, il demanda nettement ses passeports. Le général, pour le retenir plus longtemps, lui fit aussitôt de nouvelles propositions. Le projet primitif fut modifié. Les mille hommes furent réduits à cinq cents. Le gouvernement avançait 250,000 fr. pour premiers frais d’équipement, et la solde était fixée à 90,000 fr. par mois. M. de Raousset s’engagea de son côté à exterminer les tribus indiennes, et à assurer la tranquillité matérielle du pays.

Ce traité amendé, discuté et approuvé en conseil des ministres, fut signé par le Dictateur. Quinze jours après, il était annulé sous un prétexte dérisoire.

La patience commençait à manquer à M. de Raousset. Il eut avec le général Santa Anna une de ces explications violentes que les gens de cœur comprennent, mais que les politiques condamnent. Le général, pour calmer son juste ressentiment, se rejeta sur des généralités, déplora de ne pouvoir tenir sa parole et finit par lui offrir un régiment dans l’armée mexicaine. M. de Raousset refusa.

— « Je regrette, dit-il, que Votre Altesse n’ait pas compris qu’on ne pouvait faire des propositions de ce genre à un homme tel que moi. Vous me traitez comme un ambitieux, général, et rien ne vous y autorise. Vous m’offrez des faveurs personnelles quand je demande justice en mon nom et au nom de braves gens spoliés comme moi. Mais si j’acceptais, quelle idée auriez-vous de moi ? quelle idée en auraient mes mandataires ? J’ai l’honneur d’être Français, général ; quand j’ai donné ma parole, je la tiens ! »

La hautaine fermeté de ce langage acheva d’indisposer le Dictateur. On se sépara froidement pour ne plus se