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compromettre par cette association la justice de sa cause, ses droits acquis, les droits de ses compagnons. M. Walker dut continuer son entreprise, pour son propre compte.

Les lettres de M. de Raousset, écrites à ce moment, sont empreintes d’une amertume profonde.

Il écrit à M. de M*** :

« … Je me suis laissé aller résolûment dans cette fournaise où j’essaye de fondre ma colonne Vendôme !… Reverrai-je Antonia ? finirai-je par terrasser le fantôme de Jacob ?

» Quand il me passe par la pensée que tous mes efforts seront peut-être vains ; que je serais encore sans résultats pendant des mois entiers, à la poursuite de mon rêve ; des nuits d’insomnie à me labourer le cerveau avec cette pensée unique ; alors il me prend une sorte de rage aveugle contre tout et contre moi-même ! Il y a ici tant et de si beaux éléments, une si forte espèce d’hommes à jeter à travers l’agonie du Mexique. Et pour faire ces grandes choses, pour nettoyer du gouvernement qui pèse sur elle une terre miraculeusement riche, pour la livrer à l’industrie féconde de la civilisation, il suffirait d’un peu d’or, et cet or je ne l’aurai pas !… Il faut pourtant que je familiarise ma pensée avec ce dernier avortement d’un espoir qui fait ma vie ; sinon, je serai réduit à prendre une arme quelconque et à me débarrasser d’une existence désormais sans but.

» Mon ami, quand on roule d’abîme en abîme à travers les cataractes de la vie, il y a des heures où ceux qui se plaisent le mieux au milieu de ces tourmentes éprouvent une soif ardente de repos, et le repos est impossible. On sent qu’il serait une joie profonde, et l’irrésistible nécessité du mouvement vous emporte malgré vous vers des secousses nouvelles. Quel que soit le milieu où nous vivons, nous obéissons tous à une puissance fatale, génie du ciel ou de l’enfer, qui est en nous, qui nous domine en se jouant, qui nous fait vivre ou qui nous tue ! . . . . . . . . . . . . . . . . . . Quelle éducation stupide nous recevons en France ! Je voudrais bien savoir à quoi nous ont servi nos dix ans de collège ? Si j’avais vingt ans et que la Sonore