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ne sont qu’en moi : les conséquences de mes desseins appartiennent à l’humanité !

» Cette lettre, mon cher Edme, n’est pas destinée à la publicité des journaux ; elle est intime et ne doit pas sortir du cercle étroit des personnes qui s’intéressent à moi. Je serai donc plus explicite et te dirai quelle est aujourd’hui ma situation, quels sont mes projets et mes espérances.

» Lorsque je vis, dès mon arrivée en Sonore, l’hostilité des hauts personnages qui s’étaient ligués pour me voler les mines d’Arizona, je compris qu’avant peu je serais réduit à prendre les armes contre le gouvernement même ou à quitter le pays honteusement. Prendre les mines, c’était proclamer l’indépendance de la Sonore. Je m’assurai promptement qu’une bonne partie du pays y était disposée ; je me fis des partisans, je préparai les esprits à une révolution nationale.

» Cette révolution eût réussi sans la trahison d’un homme sur qui j’étais forcé de m’appuyer ; malgré cette trahison même, elle eût réussi sans l’inconcevable fatalité qui me priva de tous les renforts que j’attendais de Californie, et surtout sans l’horrible maladie qui m’a terrassé. . . . . . . . . . . . . . . . . . . Aujourd’hui, cependant, ces éléments subsistent tels que je les ai combinés, aujourd’hui, mieux encore qu’il y a un an, ce pays est prêt pour un soulèvement général. Que j’y paraisse demain avec des forces suffisantes, et quinze jours après mon débarquement, la république de Sonore existera.

» Que j’aie à ma disposition une somme de 150 à 200 mille dollars, je réponds de tout : je proclame l’indépendance et j’appelle en Sonore, comme dans une Californie nouvelle, l’émigration de toutes les parties du monde ! Mon expédition se composerait exclusivement de Français, tous anciens soldats et marins ; l’organisation serait absolument militaire, avec toutes ses conséquences. Ces hommes seraient parfaitement prévenus qu’ils vont en Sonore pour se battre, qu’il n’y a de fortune pour eux qu’à la pointe de leurs bayonnettes ; que s’ils sont vaincus, ils seront infailliblement passés par les armes, comme pirates ; qu’il faut vaincre ou qu’il faut mourir !