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d’infanterie, renommés parmi les meilleures troupes du Mexique, des milices tirées des présidios, moins régulières, mais aguerries contre les Apaches ; il avait des Indiens Yaqui, des Indiens Opatas et la garde nationale de la ville presque entière ; en tout, au moins douze cents combattants, soutenus par plusieurs pièces de canon et deux obusiers de campagne. Ces forces, abritées par des murailles, avaient été rompues et dispersées par deux cent cinquante hommes, qui venaient de faire en sept jours, sans chaussures, cinquante-deux lieues espagnoles, et qui livraient bataille à leur dernière étape, sans s’être donné une minute de repos.

Le combat n’avait duré qu’une heure, il n’en fut pas moins très-meurtrier. Des pertes sensibles payèrent la victoire de la brave petite troupe. Dix-sept hommes furent tués, parmi lesquels Lefranc, Fayolle, Garnier[1],

  1. La mort de M. Garnier fut particulièrement touchante. Il était entré le premier dans une maison où les Mexicains s’étaient retranchés et avait été frappé mortellement de deux coups de baïonnette et d’une balle ; Gaston le fit transporter dans la plus aristocratique maison d’Hermozillo, dont on avait enfoncé les portes à coups de canon. Garnier sourit en se voyant couché sur un meuble élégant.

    La veille, pendant la marche, M. Fayolle, qui était un ténor charmant, avait chanté la chanson africaine qui commence par ces mots :

    Ne croyez pas que c’est le plomb qui tue,
    C’est le destin qui frappe et fait mourir !…

    — Fayolle est-il mort ? demanda M. Garnier d’une voix faible.

    — Oui, hélas ! répondit Gaston, mais vous me resterez, vous !

    Le mourant sourit une seconde fois, toucha du doigt les trous de balles qui criblaient la redingote de son commandant, et, le regardant longuement :

    Ne croyez pas que c’est le plomb qui tue,
    C’est le destin…

    La mort l’empêcha d’achever.