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XII

Des légistes condamneront peut-être M. de Raousset. Il devait, dira-t-on peut-être, obéir, même à un ordre inique, et protester sans tirer l’épée. Nous pensons que pour juger avec équité il faut tenir compte des pays, des hommes, des situations. On n’agit pas dans des terres à demi-barbares comme chez les peuples civilisés ; à moins d’être fellah, moujik ou paria, on ne renonce pas à ses droits, à son bien, parce qu’il plaît à un fonctionnaire de vous dire : va-t’en !…

Dans tous les pays du monde, le droit est le même. Lorsque l’autorité devient l’arbitraire, lorsque le pouvoir devient un instrument de rapine, la résistance est un droit. Lorsqu’à la honte de la retraite, il faut ajouter la honte de l’aumône qui la rendrait possible, est-il étonnant de voir des Français embrasser leurs armes, comme le condamné embrassait l’autel en criant : Asile !

Plaçons-nous au point de vue humain seulement. Qu’aurait-on dit de deux cent cinquante hommes, pourvus de carabines et de canons, venus dans un pays avec des droits reconnus, sympathiques aux populations, réunissant à une force matérielle relativement respectable, celle que donne la conscience du droit ; qu’aurait-on dit de les voir plier sous les exigences inqualifiables d’un gouvernement avili, ou retourner sur leurs pas après tant de difficultés vaincues, laisser là leurs armes inutiles, se courber devant une menace, et se réembar-