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ou de la laideur d’une femme avant d’avoir fait son portrait). Mais le collet
C’était une jeune fille très grande.
déboutonné de la capote laissait voir un cou d’une blancheur éblouissante comme l’ont rarement les Anglaises, et jamais les Françaises. Le front était beau et intelligent, les sourcils long et soyeux, plus foncés que les cheveux, le nez court et bien dessiné, et les joues admirablement modelées.

Son regard s’arrêta sans embarras sur la compagnie assemblée, qu’elle salua d’un large sourire bienveillant et ouvert, d’une irrésistible douceur qui découvrit de larges dents positivement étincelantes. Plantée devant les cinq hommes, elle les fixait tous avec une hardiesse et une absolue confiance trahissant au premier coup d’œil une créature au-dessus de l’ordinaire, simple, loyale, bonne et habituée à être accueillie en amie partout où elle se présentât.

Puis, fermant vivement la porte derrière elle, la tête de côté, les poings sur les hanches, elle s’écria :

— Tous des étrangers ; hein ?… J’ai entendu la musique et me v’là pour un
« Le fac-similé en plâtre de ce pied provoquera toujours l’émerveillement. »
petit moment. Ça ne vous gêne pas au moins Je m’appelle Trilby…, Trilby O’Ferral.

Elle avait dit cela en anglais avec un accent étranger et des intonations françaises, d’une voix riche et profonde de ténor.

Quand on la voyait pour la première fois l’impression que l’on ressentait était le regret qu’elle ne fût pas un garçon, car elle eût fait un bien joyeux compagnon :

— Enchantés ! au contraire, répondait Little Billee en lui avançant une chaise.

— Oh ! ne vous occupez pas de moi ; continuez votre musique, dit-elle en s’asseyant en tailleur près du piano.