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qu’il se trouvait dans ce Paris convoité ! qu’il y habitait, qu’il allait y vivre et travailler à devenir le grand artiste qu’il voulait être.


Little Billee.
Le pâté achevé, il alluma sa pipe, se jeta de tout son long sur le divan et laissa échapper un profond soupir de contentement.

En effet, il ne s’était jamais senti si heureux ; c’est à peine s’il eût osé prétendre à un semblable bonheur. Et pourtant sa vie jusque là s’était écoulée douce et facile. Il était jeune et tendre, Little Billee, il n’avait jamais été à l’école : il ignorait le monde et ses misères, les mœurs de Paris en général et du quartier Latin en particulier. Il avait été élevé à la maison, avait passé son enfance à Londres, entre sa mère et sa sœur, gens peu aisés qui demeuraient en Devonshire.

Son père, un ancien employé à la Trésorerie, était mort depuis de longues
Deux hommes entrèrent.
années.

Little Billee et ses deux camarades, Taffy et Le Laird, venus à Paris ensemble pour tenter la fortune, s’étaient réunis pour louer l’atelier. Le Laird couchait dans un cabinet contigu, Taffy avait une chambre à l’Hôtel de Seine, dans la rue de ce nom.

Litlle Billee habitait à l’Hôtel Corneille, place de l’Odéon.

Maintenant il regardait ses deux fidèles compagnons, et se demandait si jamais être humain avait possédé une paire d’amis aussi fidèles et aussi dévoués que les siens.

Il les aimait mieux que des frères, et ne leur trouvait que des vertus. Eux, de leur côté, raffolaient du gamin.

Sa confiance aveugle en tout ce qu’ils faisaient et disaient les touchait d’autant plus qu’ils s’en sentaient peu dignes. La grande