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il s’y était rendu pour faire valoir ses droits à la propriété des domaines de son père, le comte Samuel de Béniowski ; toute justice lui ayant été refusée, il retournait en Pologne, où se préparaient de grands événements. Durant le trajet, il avait longé les terres dont il aurait dû être le seigneur et maître. Sa déception se convertit en fureur. À l’aspect des tourelles du château où il était né, il proféra des malédictions, et ne tarda point à être atteint d’un violent accès de fièvre. Puis, loin de se calmer, le mal empira. En traversant le comté de Zips, il délirait, ne parlant que de saccager, de massacrer, de pourfendre ses beaux-frères et jusqu’à ses propres sœurs. Puis, il restait anéanti, glacé, mourant. Le mouvement de la voiture devenait insupportable. Une pluie torrentielle refroidissait la température. Les petites rivières se gonflaient, les torrents commençaient à déborder, et la nuit était proche.

L’un des serviteurs à cheval, Vasili, frère de lait de Samuelowitch, s’alarmait et demandait qu’on arrêtât.

— Sans contredit ! Il n’y a plus autre chose à faire ! s’écria le vicomte français.

Mais Béniowski voulait auparavant sortir des possessions autrichiennes. Zips, qui est situé dans le cercle en-deçà de la Theiss, n’est pas fort loin de la frontière : quelques heures encore, l’on eût été en Pologne.

— Corbleu ! reprit le pétulant Richard, serions-nous chez les Iroquois ou chez les Kalmouks, j’irais demander l’hospitalité dans la première hutte venue. Or ça, postillon, y a-t-il par ici une auberge, un village, un château ?…

— Il y a, Monsieur, un château, dix villages, une ville et des auberges à choisir.

— Je choisis le château.

— Y songez-vous ? dit Béniowski, mieux vaut la plus détestable des hôtelleries.