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camarades, dont la faction a été par trop longue. J’espérais, mordious ! trouver ici de leurs nouvelles…

— Nous n’entretenons de relations qu’avec la baie d’Antongil et l’île Sainte-Marie ; je n’ai pas expédié un seul navire au Fort-Dauphin depuis son évacuation.

— Tant pis ! M. le gouverneur, tant pis !… Je vous répondrais, moi, de ce pays-là, si vous consentiez à m’y envoyer de temps en temps quelques secours. Je suis bon prince ; peu à peu j’assurerais au roi la domination de tout le midi de l’île.

— C’est l’île entière qu’il faut donner à la France ! s’écria Béniowski. Elle a versé trop de sang généreux sur toutes les côtes de Madagascar pour renoncer à sa conquête. La Pologne, démembrée, dépecée, partagée entre trois puissances rivales, est, pour un siècle peut-être, hors d’état de reconstituer sa nationalité. Je n’ai donc plus de patrie. Tout ce que j’ai appris de déplorable dans mes diverses relâches depuis Macao, m’oblige à renoncer à l’espoir de faire la guerre au colosse russe. La Prusse et l’Autriche ont été parties prenantes ; la France nous a abandonnés ; l’Angleterre ferme les yeux. Mais, je m’égare, Messieurs !… L’indifférence européenne rend impossible mes projets. Si l’on a souffert la destruction de la Pologne, qu’importe la Chine ? J’ai accompli ma tâche, d’ailleurs, en faisant parvenir à l’empereur du Céleste-Empire les preuves de l’ambition conquérante des maîtres de la Sibérie ; et, grâce au ciel, j’ai reçu la récompense de ces communications…

— Nous en savons quelque chose, mordious ! s’écria le chevalier de Madagascar, notre jonque déclarée de bonne prise par un mandarin chinois ; voilà, général, votre plus grand tour de force peut-être !

— Je n’ai plus de patrie, reprit Béniowski avec tristesse. Je suis un aventurier, un proscrit, un malheureux en butte à la haine des plus terribles et des plus jalouses puissances. Que la