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– la vague, qui souleva le troisième radeau, était trop courte, – l’évolution ne put être accomplie, et l’échafaudage, lourdement chargé, se brisa sur les dunes sablonneuses.

L’on ne pouvait sans imprudence aller au secours des naufragés. Béniowski et Vincent du Capricorne se bornèrent à amener leurs voiles pour laisser filer derrière eux quelques corps flottants attachés à des cordes.

Plusieurs nageurs furent sauvés de la sorte.

Les autres se noyèrent.

L’infortuné major Windblath fut de ces derniers et périt en homme de cœur, car ayant un instant trouvé fond, il cria de toutes ses forces à Béniowski :

— Que Dieu vous protège, général !… Adieu, braves compagnons !…

Une vague, qui le saisit à ces mots, le jeta contre les brisants avec une violence telle, que son crâne s’y brisa. Le sang et la cervelle rejaillirent avec l’écume des lames ; le corps roula ensuite parmi les rochers que la mer montante ne tarda pas à couvrir.

Le chevalier du Capricorne lui-même ne put se défendre d’un sentiment d’horreur.

Cependant, à force de voiles et de rames, les radeaux, secondés par une fraîche brise du sud, gouvernaient sur les terres les plus voisines, c’est-à-dire sur cet archipel Pouhou (Phenghu ou Pescadores) qui s’étend à l’ouest de la grande île de Formose.

Là fut capturée trop légitimement, comme on le sait, la jonque chinoise la Pescadora.

Une heure après ce coup de main, les vainqueurs naviguaient en pleine mer et demandaient à retourner sur le lieu de leur récent naufrage, oh ils espéraient draguer ou retrouver à marée basse une partie de la cargaison.