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malheureuse fantaisie de me faire forban, je ne balancerais pas à m’intituler Nathan-la-Flibuste. C’est un procédé infaillible pour racoler aussitôt les pires coquins de la mer : après quoi l’on complète son équipage par des prises, comme celle qui m’a forcé à exercer la piraterie pendant trois années durant. Monsieur le président, êtes-vous satisfait ?

Vasili, qui avait autrefois accompagné son maître à Versailles, et qui venait de faire campagne avec les gens de la Douairière, s’exprimait facilement en français, bien que son accent austro-polonais n’eût rien de mélodieux ; mais il pouvait se passer d’interprète, il pouvait faire pénétrer dans l’esprit des juges ses généreuses convictions.

Il était indigné, il traita le baron de Luxeuil, de Kosaque, de Chinois, de forban. Il ne trouva pas le mot pour rire, mais son attachement à la personne de Béniowski fit à la fois l’éloge du maître et celui du serviteur.

Aucun des associés, incapables de s’expliquer sans interprètes, ne fut interrogé.

Deux heures de l’après-midi sonnaient ; le conseil était en séance depuis le point du jour ; les juges, harassés et à jeun, furent donc ravis, lorsque M. Cerné de Loris annonça que, pour sa part, trouvant inutile de prolonger l’interrogatoire, il allait consulter les membres de la commission.

— Messieurs, dit-il, de deux choses l’une, ou notre tâche est terminée ou elle commence à peine ; je pourrais, usant de mes pouvoirs de chef de division, dissoudre le conseil et prononcer seul, je préfère prendre vos avis. – À vrai dire, nous n’avons aucun jugement à porter ; nous n’avons pas jusqu’ici fait office de juges, nous avons seulement suppléé par l’audition de quelques accusés au défaut absolu d’instruction préparatoire. Je pose la question : – « L’instruction préparatoire est-elle suffisante ? »