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régala le conseil d’un chapitre entier de son aventureuse biographie, et ne manqua pas de prouver qu’on peut être pirate malgré soi.

— Sous les ordres de notre vertueux général, – messieurs les juges, – nous avons été sages comme de petits saints, au risque de nous faire pendre par M. le baron de Luxeuil. J’ai toujours dit au comte de Béniowski que le trop en tout est un défaut… Ses chiennes de vertus m’ont cent fois fait donner au diable !… En résumé, nous n’avons pas flibusté une miette de pain, un grain de sel, une pipe de tabac !… L’accusation de piraterie est une niaiserie dont je me moque comme de ma première dent de lait, puisque nous voici devant des juges résolus à découvrir la vérité. Mais supposons que le comte de Béniowski fut pirate, archi-pirate, forban à trente-six karats, serais-je pour cela pirate, moi, capitaine d’infanterie pourvu d’une commission de la Compagnie française des Indes, aventurier, partisan, soudard, flambart, pillard, etc., d’accord !… pendable pour les Anglais, peut-être ; en somme, digne d’être récompensé par le gouvernement de la France ?… Comment suis-je arrivé à bord du Saint-Pierre et Saint-Paul ? – Par force majeure, à la suite du naufrage de la Douairière, et en qualité d’auxiliaire du loyal vicomte de Chaumont-Meillant. – Le comte de Béniowski m’eût-il contraint à écumer les mers sous ses ordres, je ne serais pas plus pirate que je ne le suis pour avoir navigué trois ans comme simple matelot-canonnier à bord du plus insigne bandit des temps anciens et modernes ; je veux parler de Nathan-la-Flibuste.

— M. le chevalier, dit le président, ce que vous nous dites par hasard peut être utile à l’instruction de la cause. Qu’entendez-vous par Nathan-la-Flibuste ?

— Plaisanterie à part, je crois que M. le comte de Saint-Germain a quarante ou cinquante ans aujourd’hui, que le Juif-