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salua et fut encore plus profondément affecté de ne recevoir en échange de son salut qu’un petit signe de tête impertinent.

— Monsieur le commandant, dit-il alors, j’ai l’honneur d’être magnat de Pologne et de Hongrie, je suis allié aux plus illustres familles de l’Europe, et je me glorifie de compter, au nombre de mes plus proches parentes, Sa Majesté Marie Leczinska, reine de France et de Navarre !…

Le baron de Luxeuil, à ce début, se mordit les lèvres et salua ironiquement.

— Va mal ! va mal !… pensait le chevalier de Madagascar.

Le général polonais crut devoir poursuivre avec calme :

— Je m’appelle Maurice-Auguste de Béniowski, je suis fils du comte Samuel de Béniowski, général de cavalerie au service de Sa Majesté l’empereur d’Autriche ; j’ai été moi-même général en Pologne, et si les malheurs de la guerre ont fait de moi un proscrit, si la haine personnelle du comte Panin, ministre de l’impératrice de Russie, m’a réduit à n’être pendant quelques mois qu’un esclave, je puis déclarer hautement que je me suis affranchi par des actes d’énergie dignes, au moins, de l’approbation de tous les gens de cœur.

— Par la sambleu ! monsieur le comte de Béniowski, s’écria le baron d’un ton badin, pour un austro-polonais, vous parlez le français avec une rare pureté !

Le chevalier du Capricorne tortillait sa moustache par contenance, en se livrant à un lamentable monologue.

— Je parle français comme un gentilhomme qui a été reçu à la cour de Versailles, répondit le général.

— … Par Sa Majesté Votre cousine, c’est évident !… je n’y songeais plus ! riposta légèrement le baron. À propos, mon bon ami, vous ferai-je part de la mort de votre auguste parente ?… Une sainte âme, vertus du ciel !

— Monsieur ! interrompit Béniowski avec indignation, ai-je