Page:La Landelle - Le Dernier des flibustiers, Haton, 1884.djvu/179

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ministère et la malveillance systématique des chefs de l’Île-de-France.

« À aucune époque, pas même lors de ma déportation au Kamchatka, je n’ai autant souffert que durant les deux premiers mois de 1775. – Une fièvre ardente occasionnée par mes insomnies, ne me quittait pas ; j’avais peur de perdre la raison. Vasili, consterné, osait à peine m’instruire de ce qui se passait. Mes volontaires, découragés, sans vêtements, sans chaussures, réduits à l’état le plus misérable, commençaient à murmurer ; deux de mes officiers osèrent me donner leur démission et m’abandonnèrent.

« Leur défection m’affecta au point que je tombai frappé d’un coup de sang, et restai plusieurs jours entre la vie et la mort.

« Salomée, alors, se montra la femme virile des Opales et de Cracovie. Elle fit au chirurgien-major, M. Desmazures, un devoir de laisser ignorer mon état aux soldats et aux indigènes, envoya un message secret à Rolandron pour qu’il laissât à Sans-Quartier la direction du poste de Foule-Pointe et qu’il revînt en toute hâte à Fort-Louis.

« En même temps, elle annonça qu’elle réunirait en grand kabar les femmes des chefs de la province d’Antimaroa, en présence de toutes les femmes libres ou esclaves, tous les hommes, sans exception, étant bannis de l’assemblée.

« La nouveauté de cette proclamation surprit les philoubés, charma leurs compagnes et provoqua sans doute plus d’une querelle de ménage. Le débat se termina pourtant à la grande satisfaction de madame de Béniowski, – car une immense affluence de jeunes ou de vieilles insulaires envahit, à l’heure convenue, les abords de Louisbourg.

« Des tentes avaient été dressées pour les compagnes des philoubés, seigneurs et capitaines de districts, des gradins pré-