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seront sauvés à plus d’une lieue, et les bœufs de Tolang-Hare sont à nous…

— Mais plus de poudre… plus de munitions… rien ! Oh ! damné vicomte de Chaumont, pourquoi m’as-tu volé mon capitaine ?

L’opinion de Jean de Paris prévalut nécessairement, car trois des aventuriers, sur cinq qu’ils étaient, se sentaient tout au plus la force de descendre jusqu’au bord de la mer.

Chemin faisant, Franche-Corde et Jean de Paris vidèrent philosophiquement une calebasse de tafia ; l’on arriva au bord de la mer, bien avant que toutes les tribus réunies eussent pénétré dans l’enceinte du fort.

Elles s’étaient à la vérité précipitées sur les glacis en poussant des rugissements farouches, et l’assaut paraissait inévitable, lorsque tout à coup elles s’arrêtèrent à la vue d’un seul homme en faction derrière la culasse d’une bouche à feu.

— Trahison !… trahison !… nous allons encore être mitraillés !… dit un voadziri, c’est-à-dire un noir libre de la première caste du district d’Imahal.

— Mais, répliqua un louhavouhit, homme libre de la caste suivante, les canons ont fait feu… Ils ne sont plus chargés, j’en suis sûr.

— Français… sorciers ! dit un serf du rohandrian.

— Canons partir sans poudre… mitraille tuer nous tous !… murmurèrent les esclaves.

Un grand kabar devenait inévitable ; – tous les peuples africains, sans excepter les Malgaches, sont dans l’usage de délibérer à tous propos avec une faconde verbeuse qui, dans les instants décisifs, leur fait souvent perdre les plus précieuses occasions ; – le rusé napolitain Colletti, tout déterminé qu’il fut à s’ensevelir sous les ruines du Fort-Dauphin, se prit à penser que, dans sa position, s’il parvenait à gagner du