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je rengaine !… dit Franche-Corde. Numérotons-nous ! Un ! c’est moi ! – Deux ! fit Jean de Paris. – Trois ! dit Brise-Barrot en soupirant, car il était dans le plus piteux état. – Quatre ! s’écria Pic de Lannion malgré ses blessures. – Cinq ! ajouta Saur de Dunkerque d’une voix éteinte.

Malbranchu ne put dire six, le sang sortit à flots de sa poitrine, il tomba mort.

Les Malgaches avaient renoncé à prendre d’assaut les rochers défendus par cet héroïque peloton. En entendant au-delà du bois les cris de victoire de la multitude de leurs compatriotes, ils s’entreregardèrent.

— Ceux d’Andravoule et d’Imahal vont prendre le fort, et seront pour nous pires que les Français ! s’écria le chef de Manambaro. Laissons ici Franche-Corde et entrons dans le fort, nous aussi.

Avec la rapidité de l’éclair, tous les Manambaro s’éloignèrent en courant ; et voilà comment les cinq derniers soudards eurent le loisir de se numéroter.

— Sauf meilleur avis, sergent, dit Jean de Paris, mon sentiment est de filer au bas de la rivière, nous y montons en pirogue et au petit bonheur.

— Ce que je voulais hier soir ! dit Franche-Corde non sans jurer avec feu.

— Je ne parle pas d’aller au large, dit Jean de Paris, mais voici ce qui va se passer : – Colletti et le Provençal, qui sont demeurés là-bas, font sauter le magasin avec les restes du fort, tous les guerriers et le tremblement ; pour lors, nous abordons sous la poterne de mer. – Si elle est encore fermée, vous l’ouvrez…

— J’ai la clef, dit Franche-Corde.

— Nous rentrerons chez nous ; la boutique sera pas mal en désordre, mais d’ennemis, pas miettes !… Les Malgaches s’en