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scandaleusement violents contre moi, qui, pour eux-mêmes et pour les leurs, ont largement, immodérément profité de la République.

Un intérêt personnel, ou simplement l’avancement d’un sous-préfet ou d’un employé des finances, n’a-t-il jamais faussé le scrutin dans les Chambres ? Passons, cela est de tous les partis, de tous les temps, de tous les pays.

Il est vrai, j’ai renversé des ministères. Des personnages plus ou moins désintéressés me le reprochent souvent.

Ce qu’on ne dit pas, c’est que les modérés ont à travers tout, sous des noms divers, maintenu les mêmes hommes et la même politique d’atermoiement. Ce qu’on ne dit pas, c’est que rencontrant un Cabinet radical, les modérés ne se sont pas fait faute de s’unir à la droite pour le renverser. Ainsi se retourne contre eux, un de leurs principaux griefs contre nous.

Ces rencontres de partis opposés sont toute l’histoire du régime parlementaire. Et puis ce n’est pas nous apparemment, qui avons fait et soutenu le cabinet Rouvier adjuvante Mackau. Et puis ce n’est pas nous, qui nous proposons de gouverner, dans la Chambre prochaine, avec des monarchistes déguisés en républicains. (Très bien ! Très bien !)

Par une contradiction grossière on me reproche à la fois d’avoir été opposant systématique et gouvernement occulte. L’une des accusations détruit manifestement l’autre. Toujours en minorité, je n’ai jamais refusé le pouvoir parce qu’on ne me l’a jamais offert, sauf quand il était inacceptable, au moment où M. Grévy allait quitter l’Élysée.

C’est à ce moment que M. Déroulède me pressa si fort d’accepter la présidence du Conseil. Cette vertu d’un rigorisme intransigeant tenait pour M. Wilson à l’Élysée. Un homme d’esprit qui se trouvait là dit même, à ce propos, un mot d’un cynisme gai qui jeta un éclat de rire dans les misères de cette nuit : car, toute une nuit durant, je dus subir les objurgations incohérentes et les prudhommesques rodomontades de M. Déroulède.

Le plan était simple. Boulanger ministre de la guerre. Si j’étais mis en minorité à la Chambre, Déroulède lançait la ligue des patriotes contre le Palais-Bourbon, et l’armée restait dans ses casernes. Que dites-vous de ce grand patriote, qui enrôle ses concitoyens sous le drapeau sacré du patriotisme, et qui, disposant de Français pour la défense de la Patrie, ne craint pas, dans la situation de notre pays, de les lancer, sans leur consentement, dans une entreprise de guerre civile. Ma résistance mit fin à ces criminelles espérances. M. Déroulède s’en est souvenu.