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—63— risme, pays par excellence de la doctrine passive où toute la religion con siste à enrouler des prières et toute la politique à dérouler des lois. La bobine de la stupidité humaine tourne et détourne. Qu'elle crie! C'est à peine ; on la graisse et c'est tout. Quant à la vie, en n'en parle plus, ou si quelqu'un en parle les gens ne comprennent pas. Il semblait que ce pays fût l'aboutissement d'une ère d'émancipation. Sa constitution était le coffre-fort des immortels principes. Nulle part les droits de l'homme n'avaient reçu pareille consécration. Reprends-les en détail les droits de l'homme et tu verras à quelle distance de l'humanologie on se trouve au bout d'un siècle de sociologie abstractive. Nulle part ailleurs, en effet, les formes de la doctrine ne pouvaient s'ajuster à un corps plus massif. Aussi, quelle réussite: rien ne flottait, rien ne plissait, la doctrine adhérait de toutes parts. Jamais pays n'avait eu un aussi bel emballage de lois. Ça tient! se disaient les grandes puissances, en ouvrières qui viennent de réussir le modèle nouveau. Ça tenait si bien que lorsqu'on y revint cinquante ans après rien n'avait bougé ; la nation modèle avait les traits immobilisés et les membres glacés d'une nation morte ou tombée en syncope. Ah ! les immortels principes ! En décapitant Dieu on les a coupés nets où l'idéal commence. L'éternité ! les aristocrates l'ont vue par la lunette de la guillotine ; elle était du côté où les têtes tombaient. On a séparé les principes de la source de vie et le phare d'idéal à cessé de tourner ; les rouages en sont brisés; ses rayons ne se déplacent plus ; leur attitude dans le passé marque l'heure de naissance du positivisme. Le peuple est sorti de la zone de lumière. Les lueurs qui l'éclairaient ne sont plus que des lueurs historiques et la nation modèle a beau vouloir garder devant l'objectif européen sa pose de liberté ! . . . Vois comme chez les jeunes Russes s'allume partout la spiritualité. Ce sont des mystiques, mais le mysticisme fait les hommes supérieurs, car il les tient en émoi devant ce qu'ils ignorent; il empêche leur âme de se fermer à l'inconnu. L'homme, à leur pensée, est tout un enfant; un enfant d'ingénuité et de sincérité. C'est ce qui les sauve et c'est à cette enfance qu'ils devront revenir tous pour retrouver à la Noël le bon chemin perdu. Mais comme ils en sont loin de ce côté-ci du vieux monde! Car avant de comprendre l'enfant, il faudrait qu'ils comprissent la femme. Lis leur code de lois et vois ce qu'il y a pour elle dans ce livre de justice qui est l'évangile de la civilisation contemporaine. L'évangile selon Bonaparte ! C'est ici que l'état de barbarie prend figure et s'avoue. Non, vois-tu, on ne libère les peuples qu'en les ramenant sans cesse à leur