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—39o— Et sur la terre, au déclin du jour, regardant de ses yeux sans vie la foule des hommes qui se pressent et passent devant l'église, insoucieux de leur salut, les lèvres restées entrouvertes par la suprême oraison, une statue de plus orne l'antique porche à la voûte d'azur semée d'étoiles d'or de Saint- Germain l'Auxerrois. Olivier-Georges Destrée POÈMES 1 Aux dix heures des carrefours Elles viennent en robes de barège Lorsque tempêtent pluie ou neige; L'une après Vautre aux marches noires des faubourgs Déguisant mal leurs sortilèges Errent en lents détours les offreuses d'amour. Leurs roides voix, leurs masculines voix cassées S'efforcent sans pouvoir aux phrases nuancées; Et leurs regards félins mentent tout bas Des instants qui ne seront pas, Des ivresses d'oubli combien illusoires ! « Viens! incitent leurs mots, notre mémoire Sait quels suffrages veut L'heure fiévreuse de tes yeux ; La joie même est blottie aux plis de notre traîne. Notre baiser cherchait le tien afin d'issir Et notre rare ardeur sait dénouer les rênes Par quoi s'élance le plaisir! » Elles rodent ainsi, épiant les désirs Egarés vers l'aimant perclus de leur étreinte, Elles vont, répétant leurs mendiantes feintes, Les mornes offreuses d'amour Aux dix heures sans ga\ là-bas des carrefours.