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—362— fait de rire. M. Brunetière est dénué de toute espèce de sensibilité artis tique, et ne peut comprendre, au point de vue de la Beauté pure, aucun poète de notre temps. S'il pouvait revivre au XXIe siècle, il écrirait sans doute, dans la Revue des Deux-Mondes, d'intéressants articles sur les Fleurs du Mal. En attendant, le seul hommage qu'il soit capable de rendre à Charles Baudelaire, c'est de méconnaître la nature de son génie. L'hommage est rendu, et pour être un hommage à rebours, il n'en est pas moins caractéristique. Remercions M. Brunetière, et n'en parlons plus. Quant à M. Drumont, dont les exercices publics, un peu monotones, ne relèvent pas de la littérature, il a sans doute pris Baudelaire pour un fils d'Israël, et les Fleurs du Mal pour l'Intcrme\\o. Il suffira, pour qu'on apprécie son jugement, de le reproduire. « Il est évident, écrit M. Drumont, que M. Brunetière seul a tenu le langage de la raison... On ne s'explique pas qu'on ait eu, même une minute, la pensée d'élever une statue à ce subtil pervertisseur, dont la foule, heureusement pour elle, ne connaît ni le nom ni les œuvres. Les organisateurs de la souscription Baudelaire n'ont qu'un moyen de célébrer les Fleurs du Mal, c'est de verser les fonds recueillis par eux au Comité qui vient de se former pour élever une statue à Ricord. » Passons. Nous espérons que le comité recueillera beaucoup de souscriptions en Belgique, où Baudelaire souffrit et fut méconnu. Un littérateur flamand, M. Verbeek, épilogue, dans le Mouvement litté raire, sur l'étude publiée récemment, dans le Figaro, par M. François de Nion. M. Verbeek regrette amèrement, paraît-il, que nos meilleurs écri vains français de Belgique ne s'expriment pas en flamand. Ce regret nous fournit l'occasion d'insister, en les précisant, sur quelques idées qui nous sont chères, et que l'on s'obstine, dans certains milieux, à dénaturer et à travestir. La Jeune Belgique n'a jamais préconisé une littérature nationale, c'est- à-dire une littérature belge. Le belge n'est pas une langue : c'est un hommage que les Flamands et les Wallons rendent parfois à la langue française. Le belge est un jargon, pas même un patois. Notre langue, à nous écrivains de Belgique, c'est la langue française, la langue française tout court, sans aucune espèce d'autre qualificatif. Et nous devons d'autant plus nous évertuer à la conserver claire et pure, qu'on écrit très mal le français autour de nous.