Page:La Jeune Belgique, t11, 1892.djvu/362

Cette page n’a pas encore été corrigée

-354- MEMENTO Le Macaque flamboyant Nous proposons d'appeler ainsi le nouvel idiome instauré chez nous par un groupe de jeunes écrivains d'une spontanéité redou table. Le macaque flamboyant est fondé sur l'ignorance absolue de la grammaire, de la syntaxe et de la langue, sur le culte du bar barisme, du solécisme, du flandricisme, du wallonisme, du contre-sens, du non-sens et du pataquès. Ce nouvel idiome est appelé macaque parce qu'il singe les défauts des mauvais écrivains français, et flamboyant parce qu'il revêt ces défauts d'une lumière éblouissante. Les partisans du macaque flamboyant ont eu des précurseurs en Belgique. Ils se rattachent, par des liens visibles, au groupe des Agathopèdes. Mais ils sont — et c'est leur originalité — beaucoup plus sérieux que leurs devanciers. Exemples de macaque flamboyant, tirés du Mouvement littéraire du 33 août : « Avant d'être un peintre, avant d'être un littérateur, Jean Delville est un artiste (sic) d'une puissante et sombre cérébralité,c'est- à-direqu'il ne recherchepas l'art(sic) comme les maigres (!!) poètes pressurant la nature et les faits (!!), mais que l'art découle spon tanément de son être {sic), comme la force jaillit du muscle. Les poètes inférieurs, en écrivant, ne font jamais que commenter les grands poètes, — d'où leur absence d'origi nalité, — les poètes supérieurs, ce sont les choses qu'ils commentent, et cette condi tion en {sic) fait des sources originales; elle en (sic) fait des sources abondantes parce que, ainsi descendus au fond primordial de la forme et de l'existence, les voilà devinant, de toutes choses, les rapports universels. Ces artistes sont les seuls vrais et les seuls précieux : si bleues que leurs tâtcs soient d'azur, leur pied sent le limon. Ceux-là auront dans la terre qu'ils n'auront pas méprisée de grands cercueils sonores, car ils seront dehors!... Une grande disproportion fait du reste de ce livre une œuvre heurtée, sans composition suivie {sic). J'aime ce dé faut; d'abord, il signale un fond trop abon dant — richesse — ensuite ce m'est la sen sation (!) d'une âpreté qui ne sent pas 0)la préparation ; il y a là une sorte de virginité sauvage (sic) que j'appellerai, usant d'une tournure géologique pour emprunter la grandeur de ces temps, un bouleversement volcanique humain. Le poète ne descend pas à la minutie des détails, mais il est fasciné par l'impression de leurs masses, qu'il ne rend pas seulement selon leur réalité, mais selon une notion de déséquilibre qu'elles lui apportent... En extase devant les masses, son esprit ne s'équilibre pas à l'aise sur l'enchevêtrement millimaire des détails... Si je parlais de la forme, je dirais, de même que pour la pensée, une barbarieforte a"ex pression qu'il traîne royalement à travers son dédain d'une forme régulière... nos poètes qui se pâlissenth orfévrerla forme... celui-ci sait encore mugir la tête aux hori \ons... Et je le répète, poètes, vous volez de toutes parts, dans l'air (!), comme des éclats d'astres pleins de splendeurs, mais le soleil de votre système n'est pas encore visible ment sortipour régir vos forces virtuelles.» La suite au prochain numéro. La Mer, le poème de M. E. Levis qui sert d'argument aux esquisses symphoniques de M. Gilson, vient de paraître chez Schott. Citons, à ce propos, une amusante mé prise du chroniqueur artistique du Précur seur. On admire, en ce moment, au salon de Gand, une toile patriotique de M. Michel, dont le cadre porte, en épigraphe, le vers proverbial de M. Eddy Levis : Comme un Français dit : France, un Belge dit [Belgique.