Page:La Jeune Belgique, t11, 1892.djvu/251

Cette page n’a pas encore été corrigée

—243— VOCATION // avait entendu le Temple épouvanté Retentir jusqu'au fond des abîmes funèbres Et redire en l'horreur des tombales ténèbres : « Homme, que feras-tu de ta divinité? » Le doux sage, le frêle et pur Enfant-Prophète, Les mains jointes, descend par les chemins fleuris Vers les villes, laissant sur ses beaux pieds meurtris Flotter les longs baisers de sa robe de fête. Ses yeux clairs, où sourit la bonté du matin, Attirent tout le ciel dans leur alur candide, Et sa bouche aux langueurs de large rose humide Fait pâmer les fraîcheurs du Désir incertain. Emblème virginal, de neigeuses jacinthes, Des lys miraculeux, des narcisses troublants, Des tubéreuses et de lourds daturas blancs S'échappent de ses mains enfantines et saintes. Quand son geste bénit, on peut voir à son cou Palpiter une opale en flamme qui succombe; Alors dans la lumière une blanche colombe Rayonne et vient baiser le magique bijou. Doux Prince du Printemps, il a vu tous les êtres Jouer, rire et chanter au milieu des douleurs; Mais les rires, les chants et les jeux sont les fleurs Trompeuses de la Mort; tous les bonheurs sont traîtres. L'univers n'est-il pas un immense martyr Que sans trève secoue et torture la vie? Naître, mourir, renaître, éternelle agonie! Lutter, aimer, penser, tout cela c'est souffrir.