Page:La Jeune Belgique, t11, 1892.djvu/196

Cette page n’a pas encore été corrigée

—i88— CHRONIQUE ARTISTIQUE i LE SALON DES XX a neuvième exposition annuelle des XX a paru aussi intéres sante que les huit précédentes, ou peu s'en faut. Cette consta tation, qui n'a l'air de rien, est, croyons-nous, un grand éloge. Il n'est pas facile à un groupe restreint et assez stable d'ar tistes d'occuper pendant un laps de temps passablement long le premier rang dans l'attention d'un public dont la curiosité a été trop vivement excitée pour qu'elle ne réclame pas, à tout coup, des aliments nouveaux. Il leur faudrait presque pouvoir dire, comme disait récemment, en se calomniant un peu, M. Chéret à un Huret de la peinture : « Mon grand désir, c'est de toujours trouver un an d'avance la mode de l'année qui suivra ». Heureusement pour eux, nos peintres n'en sont pas encore là. Plusieurs même, ayant en eux leur principe de direction, marchent avec confiance sans se détourner. D'autres continuent exactement l'œuvre entre prise dès leurs débuts. Mais il en est aussi qui s'éprennent sincèrement de tentatives neuves, sans se continuer, comme s'ils sacrifiaient quelque chose de leur personnalité à l'intérêt de l'exposition collective. Cet intérêt, un choix judicieux et varié d'invités le rehausse, y ajoute un goût piquant d'inédit Nous n'aurions garde de reprocher aux XX, comme on s'en est donné le ridicule, le talent de leurs invités, qui fait honneur à leur talent autant qu'à leur discernement. D'un côté, leur salon nous offre en raccourci le tableau impartial des recherches les plus originales de l'art contemporain ; de l'autre il nous présente le résultat de leurs propres efforts Qu'on y sympathise ou non, on ne peut méconnaître que ce qu'il y a dans les jeunes générations de plus indépendant, de plus artiste, de plus désintéressé, de plus vivant, c'est aux XX, parmi les membres actuels et anciens, qu'il faut le chercher. Et si parfois, dans l'ensemble du mouvement, les facultés critiques, l'intelligence et le goût semblent l'emporter sur la simple spontanéité, n'est-ce pas une marque de plus qui les atteste vrai ment contemporains? Mais de telles assertions générales, synthèses de sou venirs peut-être erronés, voudraient une vérification que pourrait faciliter, l'an prochain, une exposition rétrospective et décennale. Cet examen de conscience public, que les XX peuvent affronter sans crainte, serait instruc tif à tous les points de vue, sans qu'il fût même nécessaire d'y ajouter une exposition rétrospective de la critique, ce qui serait instructif aussi et sur tout joyeux. Il y aurait grande utilité pour les observateurs de bonne foi et sans parti pris, ce que nous nous efforçons d'être, à ce que l'on fît pour tous ce qui