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-i43- Comme autrefois la fontaine murmure dans le coin, — Sous le plafond se promène le zéphyr, — Et l'hirondelle y entre et y gazouille — Mais elle dort — et son sommeil est profond. Nous y entrâmes ; depuis des siècles tout y était — Si calme, si paisible et si ombreux : — La fantaisie bruissait ; immobile et élancé, — Le cyprès voisin regardait par la croisée... Tout à coup tout se trouble ! une agitation fébrile — Parcourt les branches du cyprès ; la fontaine se tait — Et un certain murmure curieux chuchote — Imperceptiblement comme à travers le sommeil. Qu'est-ce, ami? — Est-ce cette méchante vie, — Cette vie, hélas, qui coulait en nous, — Cette vie méchante, avec son trouble ardent — Qui peut-être passa, non en vain, ce seuil bienheureux?... VI Envoie, Seigneur, ta consolation — A celui qui par un jour d'été étouf fant et chaud, - Comme un pauvre mendiant, à côté d'un jardin, — Traîne ses pas sur le pavé brûlant; A celui qui contemple à travers la grille — L'ombre des arbres, l'herbe des vallées, — Et la fraîcheur inaccessible — Des prés opulents et lumineux. Ce n'est pas pour lui que les arbres hospitaliers — Etendirent leurs rameaux ombreux, — Ce n'est pas pour lui que le jet d'eau — Comme un nuage fumant se suspendit dans l'air. La grotte d'azur, à travers un brouillard, — En vain attirera ses regards, — Et la poussière humide de la fontaine — Ne rafraîchira point son front. Envoie, Seigneur, ta consolation — A celui qui dans le chemin de la vie — Comme un pauvre mendiant, à côté d'un jardin, — Traîne ses pas sur le pavé brûlant. VII Un rêve en mer La mer et la tempête balançaient notre barque; — Assoupi, j'étais livré au gré des flots, — Et deux infinis étaient en moi — Et ils jouaient avec mon être comme ils voulaient. — Tout alentour, les rochers résonnaient comme des cymbales — Et les vents sifflaient et les ondes chantaient... — Dans le chaos des [sons je volais abasourdi ; — Mais au-dessus de ce chaos glissait mon rêve... — Maladivement lumineux, magiquement muet, — Dans les rayons de la fièvre chaude il épanouissait son monde, — Et la terre ver