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—T42— Cest sa voix : elle nous contraint et nous prie. — Voilà que dans le port ressuscite l'esquif magique; — La marée monte et nous emporte rapide ment — Dans l'immensité des ondes sombres. La voûte céleste, brûlant de sa gloire étoilée, — Regarde mystérieuse ment de sa profondeur — Et nous voguons entourés de toute part — D'un abîme incandescent. IV L'insomnie J'entends la sonnerie uniforme des heures, — Ce conte fatigant de la nuit ! — Cette langue pour tous également étrangère — Et distincte pour chacun comme sa conscience. Qui peut écouter sans tristesse — Au milieu du calme universel, — Ces sourds gémissements du temps, — Cette voix des adieux prophétiques? Il nous semble alors que le monde orphelin — Est frappé par un sort inéluctable, — Et que nous, en guerre avec la nature entière, — Sommes abandonnés à nous-mêmes ; Et notre vie est là devant nous, — Comme une vision aux confins de la terre, — Et elle pâlit dans un lointain assombri — Avec notre siècle et nos amis. Une nouvelle et jeune génération — Entre temps s'est épanouie au soleil, — Mais nous, nos amis et notre temps, — Nous fûmes tous voués à l'oubli! Et accomplissant de temps à autre, — En pleine nuit, la cérémonie douloureuse, — La voix funèbre du métal — Pleure parfois en se souve nant de nous. V La Villa abandonnée Disant adieu aux tribulations du monde — Et se couvrant d'un bosquet de cyprès, — Sous l'ombre bienheureuse — ombre élyséenne, — Elle s'en dormit en une heure propice. Et voici, enclose d'une rêverie magique. — Reposant dans son infortune fleurie, — Elle s'est confiée à la volonté du ciel. — Il y a de cela déjà deux siècles ou plus. Mais le ciel est ici si clément pour la terre : — Beaucoup d'années et de chauds hivers — Passèrent au-dessus d'elle à moitié rêvante — Sans seule ment l'effleurer de leur aile.