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—123— étoiles. Je regardai le fleuve traître et glacial et le lointain ciel de lumière; je contemplai un long instant la grâce de son être chéri... et je sentis que je l'avais retrouvée toute. Gustave Stevens CHRONIQUE ARTISTIQUE EXPOSITION DU VOORWAARTS ux grandes expositions, d'où les artistes de talent se retirent parce qu'ils n'y sont pas traités selon leurs mérites, où les peintres arrivés ne se soucient plus d'adresser leurs envois, devenus inutiles, où les jeunes sans appui sont noyés dans l'indifférence universelle, on a vu se substituer petit à petit les expositions de cercles et les expositions particulières, mieux organisées, mieux instal lées, plus libres de toute ingérence extra-artistique. Le public y afflue chaque année davantage, et l'on peut prévoir le moment où l'initiative privée sera assez puissante pour se passer de l'inter vention de l'Etat, réduit au rôle de fournisseur gratuit de salles et de murailles, destitué des vaines fonctions de douanier d'art, de tapissier, de distributeur de couronnes, qu'il a toujours assez mal remplies et dont il n'est pas possible ni qu'il s'acquitte ni qu'il semble s'acquitter bien. En matière d'expositions, l'Etat devrait se borner, pensons-nous, à faire con struire un palais, composé de grandes galeries et de petits salons, où chaque individu et chaque collectivité pourrait, en dehors de toute censure et de tout contrôle, inviter le public à venir voir ce qu'il lui plairait de montrer, sous sa propre responsabilité, à ses risques et périls. L'association libre ou l'isolement libre pour ceux qui le préfèrent remplacerait ainsi l'ag glomération forcée, la promiscuité anti-naturelle, l'aplatissement trop sou vent nécessaire. La situation actuelle tend à l'établissement de ce régime, qui triompherait déjà universellement si des difficultés d'argent, que l'Etat peut seul facilement lever, n'y venaient mettre obstacle. Peser d'une manière quelconque sur l'appréciation des œuvres envoyées aux exposi tions, les pouvoirs publics ont évidemment tort d'y prétendre; leur mécénat doit se borner à rendre aussi aisée que possible la rencontre du tableau et de l'amateur de tableaux, comme dans un autre ordre celle du livre et de l'amateur de livres. Ces graves réflexions qui ne sont pas d'une déconcertante nouveauté, mais qu'il est néanmoins opportun de rééditer de temps en temps, nous reviennent dans l'esprit quand nous considérons à quels résultats peut arriver un cercle comme le Voorwaarts, composé d'éléments très dissem blables, issus de milieux artistiques divers, indépendants les uns vis-à-vis